Pourquoi donc certaines personnes détestent être prises en photo mais ne cessent de se prendre en selfie ?
Le selfie désigne une photo prise avec un smart phone où se met en scène la personne tenant l’appareil et dont la finalité est de paraître sur les réseaux sociaux. Le terme « égo portrait » semble bien trouvé pour le désigner. Certain parlent de sur valorisation de soi. Je penche plutôt pour une réassurance, un renforcement de l’estime de soi. Quoi qu’il en soit, l’image renvoyée au monde est illusion, il permet au sujet d’être exceptionnel, extra-ordinaire, pris devant une célébrité ou en haut d’un gratte ciel, il va illusoirement panser une faille narcissique.
Il y aurait beaucoup à dire sur cette pratique culturelle, je vais me cantonner aux prises de vue où n’apparait qu’un visage sans contexte précis.
Lors d’un selfie, le contrôle est au commande. Je tiens l’appareil, généralement un téléphone, je me vois sur l’écran, je peux corriger ma pause, mettre des filtres, lisser ma peau instantanément, ajouter des oreilles ou un nez de lapin… tout est possible et c’est moi qui décide !
Le selfie ne regarde que moi . Derrière l’objectif (jamais objectif, je le rappelle), il n’y a que moi qui suis maître de mon image. Je peux la vérifier en permanence grâce à l’écran et mes yeux le plus souvent le regarde plutôt que cette lentille noire de l’objectif. Nous avons alors une photo ou le sujet se sourit à lui même mais pas au monde. il me semble ici que cet égo portrait est d’abord destiné et avant tout à son propriétaire, tout comme je me regarde dans le miroir le matin, le selfie est une autre vérification (et pour le coup d’une image inversée cf le dernier article) ou ce que je souhaite va rester figé. Image rassurante
Quelle différence entre un selfie et un autoportrait..?
Lorsque je lâche…l’appareil, lorsque je laisse une part de hasard, lorsque je n’ai plus mon image sous mes yeux mais un objectif. Là, je peux parler d’auto portrait et l’appareil ou le smart phone se déclenchera de manière beaucoup plus aléatoire et mon regard vers lui ne sera plus regard vers moi mais vers un tiers, considéré presque comme une personne. Il n’est plus question de contrôler mon image, je ne la vois plus lors du déclenchement. Ce sera la surprise !
Et le portrait ?
Le portrait exige la présence du photographe et un total lâcher prise de l’appareil évidemment mais aussi de ce que je voudrai paraître idéalement.
C’est alors le regard de l’autre qui va réguler le mien et parfois me mettre tellement mal que je préférerais être transparent. Les traces laissées par un œil jugeant et condamnant persistent longtemps au point de m’anéantir moi même. Les réminissences mettent mes peurs au devant.
C’est là que la bienveillance du photographe, l’accueil inconditionnel de son regard sont indispensables.
Une rencontre
Pour qui font vivre ces valeurs ce n’est pas gagné pour autant ! Les à priori ont la vie dure cette belle ouverture à l’autre peut vite vaciller. Prendre le temps de la rencontre se sentir regarder dans sa beauté, sa fragilité, son humanité en somme, voilà qui va tout modifier !
Prendre une photo c’est avant tout accueillir mais surtout voir l’autre avec le prisme de l’amour, et ainsi lui refléter sa singularité (non pas tant extérieure). Comme les mots sont bien dits et jolis ! Un peu trop facile ? A dire, oui ! A faire, c’est une autre histoire.
Je pense qu’il existe autant de regards que d’êtres à regarder et c’est tant mieux. Transformer son regard, faire bouger ses repères pour mieux accueillir l’autre et s’émerveiller de ce qu’il est, en voilà un objectif !